je m’appelle Christophe Grandjean, âgé de 55 ans, je suis major exceptionnel de police et j’occupe la fonction de major de compagnie à la CRS N°51 basée à Saran dans le Loiret. J’ai un passé de sportif de haut niveau en Kung-Fu / Sanda (sorte de combat libre) avec à la clef plusieurs titres nationaux (9), européens (3) et classements mondiaux ( 2 fois 3ème en 91 et 93).
De façon plus intime, j’ai deux prothèses totales de hanche depuis 2012 et, d’après les spécialistes, je serais atteint d’une neuropathie dégénérative des grosses fibres qui devrait finir par me paralyser complètement à terme.
Je suis papa de trois enfants qui se prénomment Jules 21 ans, Louise 18 ans et Léopold 16 ans. Ils sont tous les trois atteints d’une maladie génétique rare, puisque aucun autre cas n’est recensé à ce jour et, non identifiée. Cette pathologie touche leur système immunitaire, neurologique, osseux et digestif et leur occasionne douleurs en tout genre et insomnie.
Pour faire simple, rien ne fonctionne correctement mais malgré tout, bien que ce soit un combat permanent, ils sont toujours scolarisés et s’efforcent de profiter des bons moments de la vie.
Pourquoi m’être lancé un défi sur rameur CONCEPT 2 vous direz vous ?
En fait, l’idée m’est venue quand mes collègues de la CRS 51, ainsi que ceux de la CRS 33 basée à REIMS (51), ce sont mobilisés autour de ma famille en organisant un défi de 24 heures en équipe sur rameur indoor alors que j’étais confiné à mon domicile par le médecin de l’administration depuis plus de huit mois pour ne pas faire prendre le moindre risque à mes enfants.
Les photos, les vidéos montrant l’enthousiasme et l’esprit de corps qui les caractérise et qu’ils ont manifesté tout au long de cet événement nous ont beaucoup touchés. Au delà de la performance qu’ils ont réalisée à cette occasion, c’est ce formidable élan de solidarité autour de nous qui m’a donné envie de montrer à mes enfants combien je les aimais et que j’étais fier d’eux.
Je voulais une nouvelle fois leur rendre hommage, mettre à l’honneur le courage dont ils font preuve au quotidien et les soutenir dans leur combat contre la maladie.
Pour avoir quelques fois débuté ou terminé une séance d’entraînement avec, je connaissais le rameur CONCEPT 2. Je savais quel outil merveilleux ça pouvait être mais aussi, je me remémorais mes douleurs aux fessiers qui apparaissaient toujours rapidement. Je savais aussi que ce genre de défi sportif pouvait mobiliser les gens autour de nous et de l’association « Des ailes pour Jules et Louise » que nous avons créée sur les conseils de nos proches pour nous aider. Après avoir récupéré le règlement et pris connaissance du record de ma catégorie j’ai donc décidé, début juillet, après avoir reçu mon rameur, de m’attaquer à ce dernier.
Au-delà de leur rendre hommage, je voulais mettre en avant la difficulté pour des enfants comme les nôtres de suivre des études, voire même d’être simplement scolarisés et c’est pourquoi il fallait que « j’attire » l’attention en m’attaquant à un record de France.
Il faut savoir qu’en France un enfant atteint de handicap bénéficie d’aménagement pour sa scolarité allant de l’aide matérielle en disposant d’un ordinateur par exemple, en passant par l’auxiliaire de vie scolaire parfois et certains aménagements lors des contrôles et des épreuves des examens. Et puis il y a les cours à domicile appelés APADHE(anciennement SAPAD). Toutes ses aides, bien sûr, diffèrent en fonction du taux de handicap. Sans vouloir rentrer dans la polémique, je peux vous dire que la réalité n’est pas aussi rose.
Et quand malheureusement, vous êtes en terminale l’année où débute la pandémie ; Que les cours à domicile mettent trois mois à se mettre en place ; Qu’on ne vous met aucune note ; Que vous n’avez pas le BAC sous prétexte que vous n’avez eu aucune note en contrôle continu ; Et surtout, oui surtout, qu’un proviseur adjoint de lycée vous dit en parlant de votre fille, qu’elle est la malheureuse victime d’une pandémie au caractère imprévisible alors qu’on lui met sur son bulletin une mention « très favorable ». Alors là, je crois que vous comprenez où je suis allé chercher cette énergie, cette détermination qui en ont surpris quelques uns.
Qu’elle a été ma préparation ?
Débutée en juillet 2021, elle a duré 10 semaines et j’ai parcouru 1389 km.
Après avoir commencé à faire connaissance avec mon nouveau matériel en ne ramant pas plus de 25 minutes quotidiennement, j’ai attaqué la deuxième en enchainant des sessions de 50 minutes pensant que je devais au maximum prendre 10 minutes de repos par heure.
Sur la même période je me suis essayé à mon premier marathon en 3H13’ 25’’ 9. La quatrième semaine j’ai commencé à ramer sur des distances plus longues oscillant entre 20 km, 30 km, 42,195 km voire 60 km. À la fin de la 5ème semaine j’ai continué sur ma lancée et je me suis aventuré à couvrir une distance de 100 km en débutant à 23H20 pour la terminer à 9H30 du matin. Comme il s’agissait d’une première, je m’étais fixé de ramer 30’ et de me reposer 30’.
La sixième semaine je me testais à nouveau sur un marathon en 2H52’ 14’’ 4 puis deux jours plus tard sur un 100 km en journée en 7H50’ 35’’ 4.
Le trois dernières semaines j’enchainais des distances que je fractionnais et qui allaient de 20 à 60 km en fonction de mon emploi du temps et de mon humeur du jour. Il faut préciser que mon activité sportive quotidienne n’était jamais inférieure à 5 heures par jour, qu’elle se composait d’auto-massages suivis d’étirements, de séance de renfort musculaire des abdominaux, des lombaires, des pectoraux et des deltoïdes, de sorties à vélo et bien sûr des séances de rameur comme détaillées ci-dessus.
Quelle a été ma stratégie de course ?
Ayant décidé de réaliser ce défi en public dans le magasin Intersport de Tavers pour lui donner un maximum de visibilité, j’ai choisi de commencer à ramer à l’ouverture de ce dernier soit à 9H30.
Je voulais pouvoir être suffisamment frais et dispo pour parler aux personnes présentes et profiter du moment présent. Je pensais également pouvoir engranger plus de kilomètres pendant la première moitié de la journée et peut-être économiser des temps de pause pour les utiliser si nécessaires pendant la nuit. Mon idée de base était de faire des fractions de 1H30 avec 10 minutes de pause destinées à mettre une tenue sèche et me masser.
Dans les faits, j’ai ramé 4 fractions de deux heures, 6 de 1H30 et 5 de 1H00 avec à chaque fois 10 minutes de pause comme prévue initialement.
Comment je me sens trois jours après le défi ?
Psychologiquement tout d’abord, j’ai le sentiment du devoir accompli. J’ai la satisfaction du papa qui voit dans les yeux de ses enfants la fierté qu’ils ressentent à son égard pour la performance qu’il vient de réaliser mais surtout pourquoi il l’a fait.
De plus, plusieurs médias ont relayé cette tentative et j’ai pu à cette occasion leur parler du combat de mes enfants. Physiquement je me sens bien mis à part mes pieds qui sont un peu plus engourdis que d’habitude avec ma neuropathie et de très légères raideurs qui subsistent au niveau des tendons des genoux.
Pour conclure
Je tiens à remercier toutes les personnes qui m’ont porté pendant ces 24 heures et nos partenaires qui ont grandement participé à la réussite de cet événement. Et enfin, je pense que vous l’avez compris, l’exploit ce n’est pas moi qui l’ai accompli en réalisant une performance sportive mais bien mes enfants qui n’ont pas choisi ce qu’il leur arrive et se battent au quotidien contre leur maladie.
Vous pouvez suivre le combat que Christophe et sa femme mènent pour leurs enfants, et également les soutenir en les retrouvant sur le site de l'association "Des Ailes pour Jules et Louise".
Encore une fois, BRAVO Christophe, BRAVO également à Jules, Louise et Léopold pour leur combat quotidien.